Ras de marée dans la sphère équestre ces derniers jours. Ludger Beerbaum, quadruple médaillé olympique, est accusé de maltraitance. Dans un reportage diffusé sur la chaîne allemande RTL, on le verrait barrer ses chevaux à plusieurs reprises.
Barrer un cheval, pour les novices, cela consiste à relever d’un coup sec la barre pendant la phase de plané et lui mettre un coup dans les antérieurs afin de rendre le cheval plus respectueux. On y voit aussi des images de barre à picots et autres joyeusetés forts sympathiques …
Je précise quand même -même si ce comportement me fout la gerbe et que j’ai envie d’hurler à l’idée de tels actes- que jusqu’à preuve du contraire Beerbaum est présumé innocent. C’est un fait.
Je ne développerai pas ici la polémique sur le kaiser. Plusieurs personnes le font, et le font très bien. Je ne suis pas cavalière de Grand Prix, je ne vais pas enchaîner 150, ou dérouler une RLM à la Charlotte Dujardin et Valegro, tous les weekends. Je ne suis même pas professionnelle du cheval. Je suis seulement cavalière amateure depuis l’âge de 3 ans, munie de son galop 7 depuis mes 15 ans, propriétaire de deux chevaux et naisseuse de mon plus jeune.
Mes chevaux ne vivent pas chez moi. Ça non plus je ne saurais pas le gérer. Je les laisse donc aux bons soins de pros (des vrais. Qui ont la légitimité d’avoir des écuries et de gérer des chevaux. Mais ça on y reviendra plus largement dans un autre article) qui savent ce qu’ils font que ce soit en terme de gestion de rations, de prise en charge de coliques ou autres petites maladies embêtantes. Qui savent déférer un cheval au fer tordu en attendant l’arrivée du maréchal. Qui savent comment entretenir les aires de travail. Gérer des paddocks. Des pros qui savent enseigner et transmettre leur savoir… et j’en passe.
En revanche je peux parler de ce que je connais un peu : les chevaux -surtout les miens- et la (re)mise en question perpétuelle, à savoir si on fait juste, ou encore bien, au mieux.
Je peux aussi avancer que ,oui, je suis contre ces méthodes dites coercitives (que ce soit en équitation ou dans la vie en général). Oui, je pense intrinsèquement qu’il est possible d’accompagner un cheval au haut niveau en répondant à ses besoins fondamentaux. Et pour illustrer ma pensée je peux citer quelques exemples.Les cavaliers de CSO, Peder Fredericson, l’actuel n°1 mondial,ou notre Frenchy Grégory Cottard le font plus que très bien. Les chevaux vivent le plus possible dehors, souvent en groupe. Loin ou presque d’artifices (enrenements, mors durs …). Côté dressage aussi (je vois vos gros yeux!) on a de beaux exemples. J’en cite un à la volée : Uta Gräf dont les chevaux vivent en paddock paradise.
Vous voyez les exemples ne manquent pas et je pense que ce sont eux qu’ils faudraient mettre en avant plutôt que de taper sur les vilains. Car ce sont eux qui doivent faire rêver et influencer les cavaliers. Pas l’inverse.
Laissons les autorités compétentes à savoir les fédérations nationales et la FEI “taper” sur les mauvaises personnes et prendre les mesures nécessaires. Ne faisons pas le procès de Ludger Beerbaum sur la place publique, à savoir Facebook et Instagram…
En revanche, nous amateurs, on est en droit de se demander : comment lutter contre ces dérives et rendre l’équitation plus bienveillante?
Pour ça il est important de prendre le problème à la base.
Aujourd’hui n’importe quel gamin qui va au poney club va faire une heure d’Equitation. Il arrive. Grimpe sur son poney dont il ne connaîtra pas toujours le nom. La plupart du temps le poney est déjà sellé, à l’attache en attendant d’offrir un peu de bonheur à un cavalier haut comme trois pommes.
Pendant son cours, l’enfant écoutera plus ou moins son moniteur, filera trois-quatre coups de talon, aura le sourire pendant son tour de trot et repartira sans se soucier de ce que le poney fera ensuite. La plupart des moniteurs sont ok avec ça – de toutes façons ils ont rarement le choix, c’est le système- et les parents sont contents de se dire qu’ils ont payé pour 1h complète durant laquelle bout de choux s’est dépensé.
On est donc clairement sur de l’équitation certes, mais que retient le gamin et potentiellement futur passionné de sa séance ? Pas grand chose on est d’accord.
Étant jeune maman d’un petit garçon de 2 ans, ça fait quelques mois que j’épluche les centres équestres de la région parisienne en quête d’un endroit où mon fils pourrait 1) developer encore plus sa sensibilité et son amour des chevaux de façon encadrée 2) apprendre l’équitation (on se comprend… je vais pas lui demander de dérouler saint Georges à 2 ans!). Je suis effarée de voir que sur la bonne quinzaine de centres équestres que j’ai contacté … seulement deux m’ont parlé d’une approche à pied du poney en me prévenant franco que l’heure de poney comprenait en moyenne 2x 15 minutes de soins (du pansage à la pose de la selle sur le dos), 15 minutes de jeux AVEC le poney à pied, et 15 minutes SUR le poney.
On est donc à une moyenne, à la louche je suis pas une grande matheuse, de 12% des centres équestres (je me concentre sur la région parisienne) qui offrent la chance aux enfants (ou cavaliers en herbe peu importe leur âge) de découvrir ce qu’est l’équitation : un sport individuel qui se pratique à deux.
Comment inculquer le respect de l’animal si on se contente juste de monter dessus? Mon fils a la chance de baigner dedans et était déjà dans des écuries à 15 jours de vie. Il sait partager ses carottes. Se dépatouille avec une brosse pour brosser les crins de mon cheval et a compris que pour me voir monter 20/30/40/50 minutes y a minimum 1h de gratouilles et de papouilles avant et après la séance … mais quid des enfants dont les parents ne connaissent rien aux chevaux?
Je ne jette pas la faute sur les moniteurs, la plupart sont des passionnés qui souhaitent partager leur savoir. De plus ils répondent souvent à un système imposé par une hiérarchie qui a besoin de faire tourner une entreprise … au détriment parfois des chevaux.
Je salue, du coup, les centres équestres qui prennent en considération le bien être de nos chevaux, en s’efforçant coûte que coûte de leur offrir une vie digne, une retraite méritée mais aussi rendre des cavaliers heureux.
Je suis contente de voir qu’aujourd’hui la FFE permet d’offrir des labels pour féliciter les structures qui œuvrent pour offrir à leur cavalerie une vie de cheval. En revanche je suis effarée de voir que le cahier des charges de l’attribution « poney club de France » / « cheval club de France » n’aborde le sujet du bien être animal qu’à la page 30… sur 42. Après les conditions de l’accès parking, la propreté des toilettes ou la sécurité incendie … Ça en dit long sur la considération de leur cavalerie.
Néanmoins, la FFE se rattrape (un peu) sur la création d’un label « évaluation du bien être animal » (dernière mise à jour en septembre 2019…) qui aborde le bien être au sens large : du mode de vie à l’alimentation. Bon point … mais, ce label ne devrait il pas devenir la norme, un sésame nécessaire, pour pouvoir faire tourner un centre équestre ?
Le point de départ de la bienveillance en équitation passe donc par l’éducation des cavaliers et l’accompagnement des instances pour la mener à bien… Et malheureusement, il y a encore du boulot.
